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  • : Créé en 2006, ce blog rédigé par Valérie Beck autrefois consacré à la danse et à ma compagnie se diversifie davantage.
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Danser, telle la phalène sous la lune, le pinceau du calligraphe, ou l'atome dans l'infini 

                                              

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12 juin 2016 7 12 /06 /juin /2016 16:38
Pagliero-Paquette - Giselle- Opéra de Paris 2016

 

Ludmilla Pagliero – Karl Paquette – François Alu – Charline Giezendanner-  Vincent Chailley- Fanny Gorse

Au premier acte, Ludmila Pagliero est une Giselle vive, drôle, qui ne se laisse nullement intimidée par le beau garçon qui vient frapper chez elle ; loin d’être une amoureuse tremblante,  elle fait preuve de beaucoup d’esprit face à Loys et ne s’en laisse pas compter ; elle surprend, habitués que nous sommes aux viriginales Giselle naïves, timides ou candides qui baissent les yeux ou rougissent ; rien de tout cela chez Pagliero qui est la jeune fille en lisière de la forêt qu’on voudrait tous avoir pour amie – on ne s’étonne donc pas du nombre de celles-ci sur scène ni de voir autant de monde graviter autour de sa maison!  La passion coule dans ses veines, pour la danse mais aussi pour la vie, et c’est précisément cette passion qui, une fois morte, se transformera en un sentiment fort, puissant : le pardon.

Pagliero/Giselle danse comme elle est, avec spontanéité et sans chercher à séduire. Elle a une façon de dire à sa mère : «  Oh, ne t'inquiète pas, tu sais,  je ne faisais que danser quelques petits pas deci delà » irrésistible  de drôlerie. Son personnage est consistant, loin des sentiers battus, vivant, et l'on ressent ce qu’elle vit, on devient ce qu’elle est y compris dans sa scène de la folie tellement convaincante avec pourtant une économie des gestes et des expressions :  comment fait-elle pour qu’au moment où tout le plateau s’immobilise on réussisse à comprendre la faille qui la déchire soudainement, sans crier gare et la fait basculer de l’autre côté ? Dans sa scène de la folie se succède mille états d'âme – elle ne reconnaît plus les gens, sombre dans ses souvenirs, tout à coup rit  les yeux fous et en reculant  heurte Bathilde,  la fuit avec une expression hagarde, cherche sa mère, se rappelle les promesses d'amour et égrène quelque fleur imaginaire, puis sombre dans une douce nostalgie...

Lorsque, simplement penchée vers l’avant, les genoux légèrement pliés et le dos rond, elle reste ainsi sans plus bouger, notre compassion infinie l'enveloppe tout entière.

A ses côtés, Karl Paquette est un prince amoureux, mais réservé ; un peu rêveur, un peu absent, vient-il chercher en  courtisant Giselle à échapper à un profond ennui de vivre ? Pourtant,  lorsqu'il lui jure un amour éternel,  il s’anime vraiment. Sans doute aime-t-il cette jeune fille qui est si vivante, bien plus qu'il ne le sait lui même. Il faudra qu'elle s'effondre sous yeux pour qu'enfin, il réalise la puissance de son amour pour elle.

Leur couple est harmonieux comme l’est celui que F Alu forme avec Giezendanner : quelle bonheur de les voir ensemble ! A peine sont-ils sur le plateau que tout devient léger, lumineux, joyeux !  Giezendanner comme toujours a une danse scintillante, ciselée, raffinée, tellement musicale ;  ses pieds ont une rapidité d'exécution et une délicatesse extraordinaire. La scène est trop petite pour François Alu qui l’emplit tout entier de sa danse est virtuose, puissante, souple, mais surtout tellement vivante.  Ce couple crée un superbe contraste dans l’expression de leur amour harmonieux qui éclate au grand jour avec celui formé par Giselle et Loys qui se cherchent encore. Et mieux encore, ils ne créent nullement un " divertissement" mais participent à la narration du ballet.

L' Hilarion de Chailley fait co-exister en lui une certaine rudesse et un amour dévorant pour Giselle qu’il exprime avec sincérité mais maladresse  et la Bathilde de Marie-Solène Boulet n’a pas son pareil pour se montrer aimable mais vite agacée par la petite paysanne que tout le monde adore.

   

Pagliero-Paquette - Giselle- Opéra de Paris 2016

Au second acte, Pagliero sort de sa tombe comme un esprit qu'on arrache à la nuit et qui s'éveille brutalement, sans savoir où il est. Ses tours en arabesque  irréels, hallucinés, expriment toute l'horreur de la mort. Mais dès la venue d'Albrecht sur sa tombe, la puissance de son pardon la guidera désormais et elle essaiera non seulement de consoler Albrecht mais de guérir la vengeresse Myrtha.  

Dans sa façon  de ployer le buste, d’être toujours légèrement décalée par rapport à l’axe, comme la flamme vacillante d'une bougie qui tremble au moindre courant d'air, d’insuffler un souffle impalpable à ses bras dans lequel le sang ne bat plus, de donner à son visage l’impassibilité des gisants de marbre mêlée d' une tendresse infinie, Giselle-Pagliero dit  son pardon, profond, absolu et son désir de guérir tous ceux qui l’approchent ; aussi n'implore-t-elle pas Myrtha de laisser la vie sauve à Albrecht, mais elle lui dit doucement que la vengeance ne la mènera nulle part, qu’il est d’autre chemin, en égrènant devant elle son bouquet de marguerites, non comme un reproche mais comme une offrande, afin d'éveiller en elle la jeune fille aimante qu'elle fût sans doute  autrefois.

Dans sa dernière variation, sa petite batterie précise, rapide, évanescente tout à la fois, donne l’impression qu’elle vole au-dessus du sol.

A ses côtés, Paquette,  perdu dans un rêve, ne sait pas si tout cela est réel. Dans sa série d’entrechats 6 pointe le désir de mourir lui  aussi pour rejoindre, peut-être, celle qu’il aime. Mais a-t-il jamais aimé vivre?

 

La Myrtha de Fanny Gorse  royale, diaphane, brillante, aérienne, s’élance telle une phalène dans la lumière de la nuit  ;  une autorité naturelle  pointe sous l’éclat et la précision de ses pas, de ses grands jetés, de ses arabesques penchées sur pointe ; sous son diadème qui scintille, elle brille comme un diamant au clair de lune,  et virevolte comme un feu follet qui s'ingénie à égarer les voyageurs perdus dans la nuit.

 Dans les deux actes, le corps de ballet était vivant et en harmonie et c'était un régal pour les yeux.

Koen Kessels a su insuffler aux cordes de l’esprit, aux bois du velouté, mais n’a pas pu tirer grand-chose des cuivres, qui répétaient dans la fosse avant le lever de rideau, l’ouverture des maîtres chanteurs de Wagner… outre, qu’ils couvraient leurs collègues, ils parlaient bruyamment quand ils ne jouaient pas. Assez inadmissibles, quand même !

 

 

Pagliero-Paquette - Giselle- Opéra de Paris 2016

Malheureusement, de là où j'étais, je ne voyais  comme le montre la photo ni la maison de Giselle, ni la tombe, et beaucoup de passages ont laissé pour moi la scène vide; Giselle qui sort de la maison, les Willis devant la tombe, Giselle qui sort de la tombe, Albrecht qui se recueille sur la tombe, etc...cela ne m'a pas empêché de vivre l'une de mes plus belles Giselles!

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