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  • : Un jour, une œuvre
  • : Créé en 2006, ce blog rédigé par Valérie Beck autrefois consacré à la danse et à ma compagnie se diversifie davantage.
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Danser, telle la phalène sous la lune, le pinceau du calligraphe, ou l'atome dans l'infini 

                                              

marie-taglioni-in-zephire.jpg

23 octobre 2010 6 23 /10 /octobre /2010 10:06

pietra-don-t-look-back.JPGoù comment voyager dans le temps!!!!

 

 

Hier soir, assez déçue de n’avoir pas pu pour l’instant obtenir de places pour le Lac dans l’unique distribution qui m’intéresse (Leriche Gilbert pour ne rien vous cacher), j’ai fouillé dans mes archives afin d’en extraire des captations vidéo datant un peu. Il faut dire que quand on regarde les distributions du Lac des Cygnes, il n’y a rien de très palpitant… le problème, c’est qu’actuellement, une fois Martinez puis Leriche partis, côté garçon, il ne reste plus grand monde, à part Mathieu Ganio qui, hélas,  est très fragile ; j’adore Belingard, mais pour le classique, même si ses interprétations sont fortes, habitées, la ligne n’est pas la plus pure… il suffit de regarder Casse noisette pour s’en rendre compte ; 5ème pas fermées, pieds pas toujours très « propres » équilibres parfois difficilement tenus. Certes, il donne à ce Prince une part très sensuelle, très féline assez inattendue dans un ballet classique et qui plus est, il investi totalement son personnage. Mais les pas n'atteignent pas la perfection qu'elles devraient avoir à ce niveau là…

 

Côté filles, et bien à mes yeux, Gilbert est bien la seule étoile digne de ce nom, à ranger à côté des Pontois, Loudière, Guérin, Guillem, Maurin, et même Pietra dans une certaine mesure, qui firent les beaux soirs des années 1980 à l’ONP. Elle danse avec une facilité déconcertante ! Non que les étoiles actuelles soient mauvaises, mais là aussi, elles sont aptes à danser tel ou tel répertoire, mais peuvent rarement tout danser; en outre, la plupart sont souvent blessées elles aussi.

 

 

Me voilà donc visionnant   un DVD  contenant  d’antiques   captations numérisées de Guillem au travail, Pietra dans Don’t look back, Guérin dans l’Arlésienne, et, magique, Leriche et Pietra dans Le Jeune homme et la mort…

 

Je suis restée fascinée pendant plus de deux heures, oubliant le temps…pietra-leriche-le-jeune-homme.JPG

 

 

En rangeant le DVD, j’ai ressenti une tristesse profonde. Il y a un tel gâchis de talents à l’opéra. Certes, des artistes, il y en a ; mais des étoiles, brillantes, étonnantes, qui nous font retenir notre souffle, qui «  décapent » les rôles classiques, et habitent totalement les autres… où sont-elles ?

Beaucoup d’étoiles aujourd’hui à l’opéra se blessent et restent éloignés de la scène un temps plus ou moins long ; lorsqu’elles reviennent, fragiles, elles doivent renoncer à certains rôles trop techniques… ou bien elles l’abordent mais sans pouvoir aller réellement au bout des exigences du rôle

 

Où sont les Belarbi, les Legris, les Hilaires toujours là, passant d’un James de la Sylphide à un Forsythe ? Endossant sans problème le rôle de Siegfried, puis dansant Mats Ek avec le même talent ?

Où sont les Pontois, les Guérin, qui même dans les pas les plus simples scintillaient de tous les feux ?

 

Tout cela, est le reflet de l’actuelle direction de la danse… sans aucun doute…  des talents, il y en a ; des artistes aussi… mais presque aucun parmi eux ne peut couvrir l’étendue des rôles, des répertoires, comme le faisaient les étoiles citées des années 80/ 90... et pourquoi autant de blessures?  

le-jeune-homme.JPGEn outre, certains danseurs portent le titre sans aucun scintillement sur leur diadème ou leur pourpoint. Même certains danseurs que j’aime beaucoup et qui sont étoilés depuis peu, montrent rapidement leurs limites dans certains rôle... on en est presque gêné pour eux...

 

Mon Dvd commençait avec Guillem au travail… je crois que le documentaire date de 1985 ; Guillem est sans doute la plus grande virtuose de son temps. Même aujourd’hui, à presque 46 ans, elle garde une technique époustouflante... elle a, des années durant, danser le classique comme le contemporain avec le mêm talent; certes, c'est un oiseau rare...

 

Suivaient le Jeune homme et la mort avec Leriche et Pietra : comme c’est bon de les revoir tous les deux ensemble : quelle connivence en scène ! Voilà deux artistes en état de grâce ; Leriche doit avoir à peu près   27 ans sur cette captation ;  depuis dix ans, il danse avec la même passion, le même talent, et un charisme immense. La Mort va comme un gant à une Pietra, étonnamment virile dans ce rôle,  qui s'oppose à un  Leriche fragile, féminin,  tout en déchirements et en souffrance.

 

Puis ensuite, pour le plaisir, j’ai juste revu le solo que  Carlson a écrit pour Pietra : don’t look back, sur des poèmes de Pessoa : sublime ! Là aussi, j’avais oublié le brio de Pietra à cette époque : son incroyable force, sa puissance, son ballon, la précision de ses pas ; certes, je ne l’ai jamais aimée dans le classique – elle le dansait de mon point de vue trop en force- mais ce soltaillé sur mesure et enregistré en 2000 est vraiment fascinant : tout y est : théâtrâlité, fluidité, virtuosité, personnages qui se dédoublent, Pietra explore toutes ses facettes. Personnellement, celles que je préfère ne sont pas celles qui montrent ses angoisses, ses errances, mais sa flamboyance : quand en noir et rouge, elle s’élève dans les grands jetés en tournant et traverse la scène, belle, forte, sublime, déployant des bras souples mais puissants ! Elle irradie la danse !

 

Enfin, le plus pur moment de la soirée, le pas de deux final de l'Arlésienne de Petit.

Ce ballet est à mourir d’ennui, sauf quand Legris et Guérin dansent les deux personnages solistes.

Je regardais Guérin exécuter des pas tellement simples mais avec une perfection, une modestie, une sensibilité, une aisance et surtout une présence magnifiques : il suffit qu'elle fasse un dégagé seconde et la danse est déjà là. Qu’est ce qu’il y a dans un dégagé seconde ? Rien : les deux jambes sont serrées, l’une quitte l’autre en glissant sur la pointe qui se tend, au sol, en ouverture puis revient. Guérin le fait et on est dans la douceur, la tristesse de son personnage qui ne pourra pas sauver Frédéri malgré son amour. Son dégagé dit tout du personnage...

 

 

Quand j’ai éteint ma télé, j’étais heureuse malgré l'imparfection de ces captations sur le plan technique.

Rien à voir avec les frissons qu’on peut ressentir avec une salle de spectacle ?

Et bien si : tant est immense le talent de ces danseurs qu’il en traverse l’écran et vient se planter en plein milieu de votre cœur…c'est cela, l'art : ce n'est pas divertir, émouvoir, c'est ouvrir le coeur et donner des ailes à l'âme qui s'ébroue, heureuse, puis prend son vol....

 

 

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