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  • : Un jour, une œuvre
  • : Créé en 2006, ce blog rédigé par Valérie Beck autrefois consacré à la danse et à ma compagnie se diversifie davantage.
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Noureev

 

Danser, telle la phalène sous la lune, le pinceau du calligraphe, ou l'atome dans l'infini 

                                              

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20 mai 2015 3 20 /05 /mai /2015 11:46
Sous la scène : moins 6 niveaux!!!

Sous la scène : moins 6 niveaux!!!

Tous à l’Opéra !

 

 

Quelle belle initiative que de permettre à un large public de visiter les deux théâtres nationaux – Garnier et Opéra Bastille -  d’assister à des projections, et à une répétition publique !

Cette année, ces visites étaient ouvertes à tout le monde; et nous espérons que l'an prochain, la même initiative sera reprise!

Je désire à travers cet article remercier particulièrement le technicien qui nous a accueilli si gentiment le samedi 9 mai  - hélas, j’ignore son nom - pour nous conduire à travers tous les méandres de ce monstre qu’est l’opéra Bastille et qui a répondu gentiment à nos questions.

Ce jour-là, la visite était assurée par le personnel technique de Bastille, tous bénévoles et heureux et fier  de nous montrer leur lieu de travail qui est l’envers du décor.

C’est toujours impressionnant de découvrir un monde d’un tel gigantisme !

On apprend ainsi que la scène est modulable à volonté en profondeur, et qu’elle s’adapte à chaque production.

Tout est créé sur place : décors, costumes, accessoires. Les ateliers sont immenses, des couloirs et des couloirs les relient les uns aux autres.

L’opéra ne  possède  que son ballet et son chœur d’opéra. Il a aussi pour le faire fonctionner une foule de techniciens, de costumiers, de perruquiers, de maquilleurs, de peintres, de sculpteurs, de décorateurs, d’habilleurs, de teinturiers, tous issus d’écoles prestigieuses.

  Ici, tout est immense mais tout est  pourtant fait dans le détail et la minutie : ainsi, on assiste médusé, à la pose un par un de cheveux naturels pour confectionner une perruque à la Louis XIV.

Soixante dix corps de métiers font fonctionner le monstre Bastille : cela va des techniciens de plateau, à ceux de la régie sons et lumières, des artistes aux  couturières,  des teinturiers aux coiffeurs, des agents comptables aux secrétaires, des attachés de presse aux ouvreurs, etc, etc, etc, comme disait le Roi dans Anna…

 

 

On apprend enfin que l’opéra rêverait de se doter d’une école afin de former directement des élèves à tous ces métiers en relation directe avec  la scène. On ne peut rêver d’un endroit plus inspirant que ces deux théâtres aux volumes impressionnnants. On se doutait bien que des lieux comme ceux-ci «  ne fonctionnent pas tous seuls » mais à présent, on aura un regard bien différent lorsque l’on reviendra voir un spectacle.  Et on se dit qu’il est bien dommage que tous ces métiers annexes ne soient pas connus ou présentés plus souvent au  «  grand public ».

 

 

Pose de cheveux naturels un à un

Pose de cheveux naturels un à un

Sous la scène

Sous la scène

Derrière la scène : les différents carrés accueillent les décors des spectacles en cours

Derrière la scène : les différents carrés accueillent les décors des spectacles en cours

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19 mai 2015 2 19 /05 /mai /2015 16:20
Photo  : Philippe Laurent ONP

Photo : Philippe Laurent ONP

 

Paquita Hannah O Neil/ Mathias Heymann – le 16 mai à 14h30

 

 

Le hasard des chaises musicales made in ONP a fait que, ce samedi 16 mai à 14h30, Hannah O Neil a remplacé Alice Renavand et Mathias Heymann, Florian Magnenet. Quand on prend une place pour voir des danseurs qu’on aime, il y a deux solutions, la revendre quand le couple échu ne séduit guère, y aller quand même «  pour voir » ou bien faire contre mauvaise fortune bon cœur lorsque la nouvelle distribution offre de belles perspectives. Soupirs, et regrets de ne pas voir Florian Magnenet, magnifique dans le Chant de la terre cet hiver, ni la superbe  et sémillante Alice Renavand, maîtresse frivole et sensuelle de Lescaut, furent remplacés par la joie de retrouver la jolie et gracieuse Hannah O Neil, si belle en Odile cet hiver,  et Mathias Heymann qui était si rare ces derniers temps. 

 

Avec une distribution aussi prometteuse,  on se régale à l’avance d’un spectacle qu’on a déjà vu et adoré avec Hecquet/ Paquette et qui tient autant à la qualité de ses solistes qu’à celle du corps de ballet, particulièrement tonique, grisant, virtuose dans le grand pas final.

 

Hannah O Neil est une  Paquita ravissante et  piquante qui  respire la jeunesse, la gentillesse ; elle forme avec Mathias Heymann un couple adorable qui gagne de suite notre sympathie. Les pas de deux ont de toute beauté, et on admire le magnifique sourire d’Hannah  qui ne faiblit jamais même dans les plus grandes difficultés techniques.

 

Mathias Heymann campe un Lucien  encore très enfantin ; il forme avec Hannah un couple touchant, plein de grâce ; leur jeu, leur mime s’accordent bien et ont la rondeur et l’innocence de l’enfance ;  leur danse est harmonieuse et  à aucun moment, leur danse ne faiblit. Les pas de deux du dernier acte sont particulièrement beaux.

 

Même si on garde à part soi une préférence pour Hecquet/Paquette dans les mêmes rôles, tellement complices sur scène, elle un peu gouailleuse, lui, plein de noblesse et d’élégance,  on est touché par cette autre interprétation de Paquita, plus novice, sans doute, mais sincère, et portée de bout en bout avec talent et délicatesse.

 

On retrouve avec plaisir aussi le corps de ballet, un peu moins parfait cet après midi là dans le grand Pas de deux, mais toujours aussi heureux d’être en scène.

 

Une fois encore, le pas de trois du premier acte ne décolle pas malgré le talent de Marc Moreau ; mais on se console en regardant au second acte les deux officiers bondissants, Daniel Stockes qui a mangé du lion, et Florimond Lorieux, qui, s’il est moins flamboyant, n’est en pas moins resplendissant. On se souvient avec plaisir du premier dans le rôle de Fritz, le frère de Clara, dans Casse Noisette, et du second, dans le pas des Pierres précieuses de Casse Noisette.

 

Les enfants de la Polonaise semblent un peu fatigués   mais sont toujours aussi craquants, avec leurs costumes hongrois et leurs coiffes à plumes qui oscillent de gauche et droite au rythme de la danse.  

 

Et on sort de cette matinée avec une bouffée de joie, d’enthousiasme, de plaisir, d’avoir vu de la belle danse, malgré les petits bémols indiqués plus haut.

 

Hannah O Neil, âgée de 21 ans seulement, est, à la sortie des artistes une jeune femme toute douce, timide, tellement simple qu’on admire d’autant plus son aura et son sens de la scène.  On apprend, étonné,  que le soir même, elle regagne  le corps de ballet pour redanser Paquita… et on croise Letestu,  visiblement ravie  de ce qu’elle a vu, et qui était déjà présente lors du Lac des Cygnes avec cette même Hannah.

 

Alors oui, Hannah O Neil n’a pas encore le métier d’une Laura Hecquet, et Mathias retrouve tranquillement ses marques sur scène ; la pantomime est moins aboutie, par exemple; mais quel plaisir de voir des artistes engagés, convaincus par ce qu’ils font, après être sortie tant de fois déçue d’un spectacle où tout le monde, en mode  «  minimum » semblait faire son métier en bon fonctionnaire d’état,  sans conviction ni plaisir.

 

Le plaisir semble être de retour sur scène… s’il est là, le public en trouvera lui aussi, et on se prend à rêver que, petit à petit,  le ballet  retrouve tout son panache.

 

Hannah O Neill- Mathias Heymann/ Paquita ONP : le charme de la jeunesse
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11 mai 2015 1 11 /05 /mai /2015 11:13
L'histoire de Manon : Dupont/Bolle- 8 mai 2015. ONP

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" Il suffisait de presque rien"

 

 

 

On sort de cette représentation avec la vague impression qu’une promesse faite au premier acte n’a pas été tenue.  Pourquoi ? On ne sait pas vraiment, et peu importe ; on emporte avec soi sa frustration, et on se repasse en boucle les souvenirs soigneusement conservés des deux plus beaux Manon jamais vus : Guillem/ Hilaire et Ciaravola/ Ganio

Et pourtant, le  premier acte fut  brillant – c’est d’ailleurs un acte particulièrement équilibré - avec ses scènes de foule et de mondes différents qui se côtoient sur la place où les voitures à cheval déposent leurs voyageurs, avec ses rôles mimés, sa charrette des filles qu’on envoie en Louisiane et qui passe comme un funeste présage. Mime, variations, pas de deux, rencontres nombreuses, tout s’enchaîne avec brio. Le cadre se met magnifiquement en place et les différents acteurs aussi.

Aurélie Dupont est une Manon particulièrement belle, même si elle n’est pas exactement celle qu’on s’imagine à la lecture du roman,  décrite comme déjà bien « dégourdie ». Celle qu’on voit ce soir-là à un quant à soi, une réserve qui tiennent à distance certains messieurs trop empressés. Encore un peu, et elle leur enverrait une gifle !

Son frère, - Stéphane Bullion -  joue rapidement les  entremetteurs car  il réalise les avantages qu’il peut tirer de Manon en voyant le puissant Monsieur de GM – Benjamin Pech, impeccable – lorgner sur elle avec concupiscence. Mais une réelle tendresse le  lie à Manon

 

La première variation du Des Grieux de  Roberto Bolle un peu raide, un peu scolaire, un peu appliquée nous laisse supposer que le danseur est mort de trac ? Ses jambes tremblent, son jeu est inexistant.

 

Du côté des mendiants, Madin incarne plus un  prince déchu qu’un pauvre hère que le destin n’a pas favorisé, - et pourquoi pas après tout, la Fortune faisant et défaisait les choses -  sa danse bondissante et altière trouve un formidable écho auprès  de ses énergiques compagnons de misère,   chapardeurs et canailles à souhait et à l’affut du moindre sou pour survivre.

Les danseurs s’amusent et nous aussi.  

 

Au premier  pas de deux dans la chambre, un grand souffle passe entre Manon et Des Grieux et on est touché par leur fraîcheur,  leur jeunesse, leur passion : on les regarde tous deux avec tendresse et émotion ; complices de leur bonheur naissant, on leur souhaite le meilleur à venir; c’est d’une beauté à couper le souffle. La danse légère, fluide, vibrante, passe sans effort des deux côtés. Les deux danseurs sont en osmose : le jeu est subtil, ni trop ni pas assez appuyé.

Le premier acte s’achève et nous voilà le cœur débordant d’émotion et  mis dans une attente particulière.

 

Malheureusement,  tout ceci, retombe à l’acte suivant.

Aurélie  incarne une courtisane assez peu heureuse d’exercer son métier, et il est difficile de  comprendre ce qu’elle ressent vraiment et pour Monsieur de GM et pour Des Grieux. Contrainte et forcée d’être ici, elle subit la situation et n’en retire pas le moindre plaisir ; elle remplit les caisses, c’est tout !  On   voit un personnage que la misère épouvante et qui préfère sacrifier une passion que de vivre d’amour, d’eau fraîche et de haillons mais jamais une jeune femme sensuelle qui s’étourdit dans la vie nocturne.  Elle ne semble pas non plus émue ou troublée lorsqu’elle revoit son amant ; ni même embarrassée ; elle a simplement l’air fâchée, comme une mère dérangée dans son travail par ses enfants trop bruyants.    De son côté, Roberto Bolle a du mal à trouver sa place à tous points de vue dans ce salon.

Alice Renavand en maîtresse, tire magnifiquement son épingle du jeu ; mutine, taquine, complice avec son amant, - elle semble avoir l’habitude de le voir souvent ivre, et ça ne l’embête pas plus que ça !  – elle parade avec sensualité dans ce salon des plaisirs, à l’aise comme un poisson dans l’eau. Sur une danse féminine, ronde, pleine de la promesse de plaisirs qu’elle accordera plus que généreusement, son regard pétille comme le champagne qui emplit sans cesse les coupes alentour. Son pied et son regard  harponnent les riches messieurs ;   la maîtresse s’amuse.

 Les autres  courtisanes aguichent,  se crêpent le chignon, passent de bras en bras, tentent de se refiler le vieux libidineux ; l’atmosphère licencieuse du lieu est magnifiquement rendue aussi bien par les costumes, somptueux, que par les décors, les grands miroirs, les éclairages et le jeu du corps de ballet.

Monsieur de GM antipathique à souhait, se sait puissant parce qu’immensément riche. Son regard toise ses compagnons comme s’ils ne méritaient pas d’être prêts de lui et il exhibe Manon à son bras comme un bien supplémentaire ; il  a l’instinct du propriétaire, et pas l’âme d’un amant.

Grâce à tous ces protagonistes, la scène du jeu de cartes relance un peu l’action qui était en suspend et le drame se renoue avec vigueur et conviction. Drame qui atteint son point culminant quelques instants plus tard avec la mort de Lescaux, pour qui on éprouve une vraie compassion. Toute crapule qu’il était, il ne méritait pas autant de violence et une fin aussi abrupte.

Auparavant, on aura assisté à la dispute des deux amants,  qui se chamaillent comme des enfants en désaccord sur le jeu auquel ils vont jouer plutôt sur la tournure que doit prendre leur vie.

Dupont a montré un visage trop sévère dans le salon de Madame pour qu’on la croit vraiment contrariée de quitter sa vie  de courtisane; elle ne semble pas non plus très touchée de retrouver son amant qui a du mal à faire entendre sa voix.

 

Avec l’acte 3, cette impression de jeu qui n’aboutit pas se confirme

Le geôlier de Karl Paquette garde son regard de hibou réveillé en plein jour dans toute la première partie,  et les violences qu’il  fait  subir à  Manon semblent vraiment pour de faux.

 

Je revois encore Mathieu Ganio tout prévenant,  porter le petit sac de Manon/Ciaravola à la sortie du bateau et sembler vouloir souffrir à sa place ; là, rien ne se dessine vraiment. Roberto Bolle est toujours aussi encombré de lui-même.

On arrive presque à croire que  c’est le geôlier qui est pleuré à chaudes larmes lorsque Des Grieux le tue et non pas la situation dans laquelle les deux amants se retrouvent alors.

Et le tout dernier pas de deux manque de cet abandon qu’on trouvait chez Guillem et Ciaravola, avec un Des Grieux qui les porte  à bout de bras et leur insuffle autant de vie qu’il peut.

Une fois encore, le jeu est trop maîtrisé. On voit des pas, et pas une histoire. Manon meurt sans qu’on ressente vraiment d’émotion, ce qui est quand même un comble pour ce ballet

 

Mais avant, il y aura eu les filles de Louisiane, écrasées de chaleur, réduites à rien à la sortie du bateau, les passants, compatissants, embarassés ou  dégoûtés, et on aura ressenti à ce moment là une vraie tendresse pour ces malheureuses qui échouent à la Nouvelle Orléans pour être ensuite distribuées à qui voudra.

 

Le rideau tombe et on se dit «  quel dommage…. Il suffisait de presque rien pour que les actes 2 et 3 nous emportent comme le premier. »

Et de retour chez soi, on chercher sur youtube les vidéos de Guillem et de Ciaravola/Ganio...

 

 

 

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7 mai 2015 4 07 /05 /mai /2015 16:20
Photo Laurent Philippe

Photo Laurent Philippe

 

 

Paquita, ballet bavard et un peu creux, est devenu  par la magie de ses interprètes et du corps de ballet, une œuvre réjouissante, poétique, enjouée, et complètement enthousiasmante au dernier acte  ce lundi 4 mai 2015 ! Quelle apothéose ! Miracle rendu possible grâce à  un Karl Paquette  radieux et  une Laura Hecquet inspirée : leur complicité, leur sens du théâtre, leur générosité en scène, leur  art de la narration accomplie a transformé un ballet primesautier et sans grande profondeur en une véritable œuvre d’art.

Ces deux magiciens  nous ont promenés dans cette histoire abracadabrante sans qu’un seul instant on se demande s’il fallait la croire ou non !   

 

Comment décrire toutes les nuances et subtilités que Laura Hecquet possède au-delà de ce qu’on aurait cru possible ?  La technique ? On l’oublie, tant  tout coule de source quand elle danse : elle scintille, elle brille, elle s’envole, elle tourbillonne, elle s’amuse, elle rêve, elle taquine, elle protège, elle aime… avec une telle facilité, une telle aisance, qu’elle parvient même à dire plusieurs choses en même temps. Dès son entrée en scène, on ne la quitte plus des yeux. Sous  la facilité, la légèreté, la précision de sa danse, se cache une puissance vertigineuse et une virtuosité qui jamais n’est étalée au grand jour. Le moelleux de ses pliés, la grâce suspendue de ses équilibres, la souplesse de son buste et de ses bras,  la force de ses pieds et de ses jambes qui donnent à ses fouettés légèreté, ampleur et poésie,  en font une « prima ballerina  absoluta ».  Son art n’apparaît pas, n’est pas étalé, ni démontré : il transparaît.

Et puis quel bonheur de découvrir chez Laura des dons de comique, ce qu’aucun des rôles qu’on lui avait confiés jusqu’alors ne pouvait laisser présager… on rit de ses facéties et de ses «  réparties » au premier acte, - elle n’a pas sa langue dans sa poche mais taquine, agace, sans la moindre once de vulgarité, et on s’émerveille de son sens de l’à-propos au second acte ; on l’imagine très bien en Ballerine dans le Concert de Robbins ; d’ailleurs on l’imagine très bien en tout : Juliette, Manon, Giselle, Raymonda, tout lui irait… le ballet a de ces temps de pause pendant lesquels on continue à voir Laura danser tous ces rôle au lieu de regarder le corps de ballet faire passer le temps… Avec Laura, Paquita devient un vrai personnage, amusant, attachant, vif, et profond… oui, assurément, du grand art !

Photo IK Aubert

Photo IK Aubert

A ses côtés, Karl Paquette, Lucien D’Hervilly au grand cœur, donne la réplique à Paquita avec spiritualité (ce qui n’était guère de cas de Inigo ce soir là, qui n’avait que quelques mots de vocabulaire prononcés brutalement et  sans verve ni énergie !)  Sa blondeur, son élégance sont déjà un atout pour ce personnage raffiné qui, aux côtés de Laura  est tellement  galvanisé que  sa danse   prend feu :   énergie, brillance, fantaisie, prouesse, Karl Paquette s’est surpassé et il semblait tellement heureux de danser que son plaisir était contagieux !

Les pas de deux avec Laura Hecquet  étaient un régal de drôlerie, de poésie, d’intensité… 

 

Pour le troisième acte,  le corps de ballet a composé un écrin de premier choix aux deux protagonistes : tout le monde semblait vouloir donner le meilleur de soi même ce soir là, et les pointes étaient affutées comme des couteaux, les petits pas étaient ciselés comme par un orfèvre, et tout la belle technique classique était déployée et étalée comme l’argenterie et le cristal de  la vaisselle des grands jours dans un château… comme Pierre Lacotte devait être ravi !

Un mot supplémentaire  sur les deux officiers Daniel Stockes et Jean Loup Quer qui dansaient avec panache !

 

 

On serait injuste d’oublier les adorables enfants de l’école de danse, parfaits et frais dans leur  Polonaise, aux figures tarabiscotées.

Et tout aussi injuste  d’oublier le chef  Fayçal Karoui qui a su insuffler à l’orchestre des lauréats du conservatoire de la poésie  et beaucoup de tenue. Que demander de plus à une musique composée par l’obscur Deldevez à laquelle Minkus a rajouté ses propres mesures ?

 

 

A lire  : portrait de Karl Paquette écrit en 2009, lors de sa nomination

 

A Lire : portrait de Laura Hecquet, écrit lorsque Laura était   sujet, en juin 2014

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11 avril 2015 6 11 /04 /avril /2015 09:15
Hannah O' Neill - Yannick Bittencourt : Lac des cygnes de Noureev - 2015

Je n’ai malheureusement pas pu découvrir pour cette série Laura Hecquet et Audric Bezard mais j’ai pu à la dernière minute obtenir une place qui m’a permis de voir deux sujets, Hannah O’ Neill, que je ne connaissais pas du tout et Yannick Bittencourt.

Si les deux sujets ont largement dépassé mes attentes, pour le reste de la soirée, j’ai eu l’impression d’un fabuleux gâchis pour différentes raisons que voici :

1) tempi trop rapides; le corps de ballet court SANS ARRÊT après la musique; tout semble soit survitaminé, soit bâclé, personne n'a le temps de s'installer dans la danse. Il y a une telle effervescence sur le plateau et dans la fosse d’orchestre que le spectateur a l’impression d’assister à l’entrainement du marathon de Paris de ce week-end : épuisant

2) Les costumes, refaits, sont vraiment affreux.... ils n'étaient déjà pas merveilleux à la création, mais là toute l’harmonie des tons pastels est effacée au profit de chocs de couleurs plus criardes ; là où des parmes côtoyaient des safrans, des violets francs se heurtent à des orangés de mauvais goût

3) Les quatre petits cygnes de ce soir n’allaient vraiment pas ensemble ; on aurait dit les Daltons, rangés par ordre décroissant, et leur technique donnait l’impression qu’ils peinaient douloureusement dans chaque pas : un groupe de gnomes en goguette partis cueillir des champignons.

4) Horrible trio au premier acte – je ne mets pas les noms parce que ma volonté n’est pas d’être blessante mais de livrer tel quel mon ressenti : l'une des danseuses ne sait pas tenir ses bras, ils volent dans tous les sens, l'autre ne sait pas tenir sa tête : ses mouvements de cou manquent cruellement d'élégance, on dirait un gallinacé qui se réjouit par avance du festin de limaces qu’il va faire.
Alors, oui, la première a du ballon et le montre : elle saute comme une chèvre, mais tout cela n’est pas très gracieux…. J’ai revu ce trio dansé en 1997 par Bart, Letestu et Averty sur youtube, c’est quand même d’un autre niveau….

5) Paquette a revu sa conception de Rothbart, il en fait une caricature : il n’est plus un précepteur machiavélique qui manie le chaud et le froid mais un personnage violent, cruel, brutal avec le jeune prince. Cela manque de finesse ; il fait claquer sa cape sans arrêt, il est frénétique, et son interprétation est toute d’une pièce.

Voulait-il soutenir par une présence forte les deux jeunes sujets ?

Pense-t-il qu’au final Wolfgang est un monstre castrateur ?

Je ne sais pas, mais son double Wolfgang/ Rothbart de 2006 m’avait laissé un souvenir extraordinaire. Là, j’avais presque envie de rire quand, en Rothbart, il ressemble à un petit dragon monté sur ressort sorti tout droit d’un manga prêt à lancer des flammes ! Et pourtant, j’adore ce danseur depuis toujours et j’ai encore son merveilleux Chant de la Terre d’il y a quelques semaines en mémoire.

Certains duos avec le prince sont cependant très beaux et même émouvants, et celui qu’il forme au deuxième acte avec le cygne noir est splendide.

En revanche, le trio final retrouve une frénésie qui ne permet pas à l’émotion d’éclore.

6) A vouloir les rendre parfaits, comme une silhouette unique qui se démultiplierait à l’infini prisonnière d’un jeu de miroir, les 32 cygnes ont perdu leur âme : on dirait l’armée des clones de Georges Lukas…. Alors c’est vrai, pas un bras ne dépasse, pas une jambe n’est plus haute qu’une autre, tous les dos sont à la même hauteur lorsque les cygnes pleurent, mais quelle froideur ! Quelle sécheresse ! On dirait qu’on a vidé de toute émotion, de toute tendresse les ballerines qui ne semblent obnubiler que par une chose : être ensemble. C’est visuellement stupéfiant de perfection mais sur le plan de l’âme glaçant ; on ressent la peine, le mal que se donne le corps de ballet qui ne prend – en tout cas ce soir là – aucun plaisir à la danse.


7) Kevin Rhodes, le chef d’orchestre, avait du se faire ce soir-là une injection de Valéry Gergiev pour interpréter Tchaikovsky comme ça : allez hop, on court, on court, on fait brailler les cuivres, les timbales, les cymbales, vive la fête de la bière à Munich!!!!
C’est un chef que d’ordinaire j’aime bien et je l’ai connu plus subtil.

Hannah O' Neill - Yannick Bittencourt : Lac des cygnes de Noureev - 2015

Alors, me direz- vous, vous avez dû trouver les sujets pas à la hauteur de vos attentes ?

Et bien c’est là que tout bascule : j’ai été sous le charme.

Je mentirai en disant que j’ai assisté à une prise de rôle spectaculaire ; mais ceci étant, il y a eu une magie, une osmose, et certains moments de danse – soit en soliste soit en duo ou trio – poétisaient délicieusement tout ce fatras.

La variation lente du prince au premier acte n’exprime pas mélancolie d’un jeune homme neurasthénique, mais la rêverie d'un adolescent plein de poésie qui aspire à découvrir la vie. Elle n’a pas encore le moelleux et la douloureuse intensité que Leriche lui donnait mais les lignes sont belles et le personnage se dessine rapidement et gagne notre sympathie. Yannick Bittencourt est longiligne, a un dos d’une très grande souplesse, des mouvements amples, il a du ballon, sa technique est solide il possède un vrai sens artistique. Suffisamment pour camper un personnage qui répond à sa conception du prince. Il lui manque encore un peu de profondeur dans les pliés, de respiration dans les mouvements qui vont venir au fur et à mesure
Il forme avec Hannah O Neill un couple où pour une fois, c’est la femme qui mène la danse : la princesse rassure et donne sa force au jeune Siegfried qui ne l’a pas effrayé longtemps avec son arbalète : car Odette faite cygne constate rapidement que ce prince n'a pas l'air bien solide ; elle s'en remet à lui, parce qu’il est beau, doux, mais elle ne pourra compter que sur son amour, par sur sa force pour échapper à Rothbart.

Hannah O Neil, est une femme avant d’être un cygne. En scène, dans le premier acte, elle est majestueuse ce qui pourrait sembler un contresens par rapport au rôle, mais son charisme est tel qu’on adhère à sa conception du personnage. Pas de souffrance excessive dans ses variations; c’est une « femme » forte qui a perdu sa liberté et qui, victime d’un sortilège, ne s’en sert pas faire larmoyer le prince ni pour s’en faire aimer. Elle a dû caractère, de la réflexion, de l’intelligence ; elle est très terrestre, ce qui ne retire rien à la beauté de sa danse. Ses bras sont beaux parce que son buste, ses épaules et son cou sont déliés et maîtrisés : tout le haut du corps respire.


Au second acte, elle campe une Odile délicieuse de spontanéité : création de Rothbart, elle fait à la lettre ce qu’il lui commande en s’amusant beaucoup, - et nous avec - pas par méchanceté mais parce que le prince est si facile à manipuler ! Elle n’est ni séductrice, ni vénéneuse, ni aguicheuse. Elle pourrait jouer sur sa beauté, elle préfère jouer sur un côté espiègle et malicieux. C’était sans doute le meilleur moment de la soirée. Hannah cisèle ses pas au millimètre près sans perdre un cheveu de sa beauté, de sa musicalité. Elle est vive, joyeuse, et berne le Prince comme un bateleur abuse les badauds avec ses tours de passe passe.
Le Prince lui, n'est plus qu'un pauvre enfant trompé, mais sa pureté et sa candeur sont telles chez lui qu’on ne prend en pitié.

Les fouettés du cygne noir étaient honnêtes sans être incisifs mais on devine qu’ils peuvent devenir éclatants car la technique est bien là et solide.

Les regards qu'elle échange avec Rothbart me resteront longtemps en mémoire.

Pour le dernier acte, les tempi sont enfin raisonnables et on se détend enfin.
Le duo entre le prince et la princesse cygne est poignant de douleur et de sobriété en même temps. La princesse cygne n'est pas désespérée, elle rassure le prince, elle semble chercher une solution; c'est une femme qui a du cran, du caractère et de l'intelligence.
Elle ne compte pas sur le prince, mais sur ses propres forces; l'amour est là, qui lui donne cette énergie.


Les deux jeunes sujets ne sont pas tombés dans les pièges de surjouer leurs personnages ou de choisir une danse " tape à l'oeil" ; ils ont avant tout incarné deux personnages s'appuyant sur leur technique pour les modeler comme ils le souhaitaient. Deux jeunes talents à suivre et on ne peut que féliciter Millepied du choix de ces artistes...

Deux belles prises de rôle, pleine de fraicheur et de jeunesse.

cela rappelle un peu Noureev qui se moquait éperdument de la hiérarchie : on était bon, on allait en scène, et du coup, tout le monde se sentait stimulé.

Si ce jeune directeur peut apporter cet air frais avec lui.... !

photographies : Ann Ray/ A Koizumu- ONP

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11 mars 2015 3 11 /03 /mars /2015 13:22
Le Chant de La Terre - Neumeier - Révillon-Bézard-Daniel-Park

Voir la même œuvre dans une seconde distribution – ou même une troisième ou quatrième – apporte des éclairages qui peuvent aller du simple détail à une amplitude extrême.

Ganio/ Pujol/Daniel/ Paquette et Magnenet semblaient exister car créés directement par la musique ; sans elle, ils se seraient évanouis comme un songe ; sans eux, la musique n’aurait pu se faire entendre. Les deux se faisaient écho l’une l’autre, donnant une profonde impression d’unité d’une grande beauté. Le spectateur, directement plongé dans ce monde flou à la charnière du rêve et de la veille, hypnotisé et sans aucun désir de sortir de cet entre deux, se trouvait alors tout entier livré à la sensation délicieuse de flotter dans un monde sans densité, comme hors du temps et de l'espace. Un monde abstrait, ineffable, évanescent.

Parvenir à créer ce monde de l’entre d’eux et y maintenir le spectateur en état d’alerte tenait du grand art. Même la scène près du « pont qui se courbe comme le dos d’un tigre » semblait sortir de la lampe magique de l’enfance de Proust.

Ganio semblait irréel, et tout s’animait autour de lui en ce sens, comme surgi du miroir, peut-être, suspendu là-haut ou de la Lune.

Il en était tout autrement hier soir avec le charmant quatuor Révillon/ Daniel/ Park/ Bezard avec Bertaud à la place de Magnenet. ( soirée du 10 mars 2015)

Plus de rêve, plus de flou, plus de monde entre deux, mais un homme ( Révillon) qui souffre, qui cherche, qui mène une quête et qui se heurte au monde et à sa réalité, aux autres auxquels il ne parvient à se mêler.

Et c’est étonnant de voir Daniel passer de l’état de songe, - soirée du 28 février - à celui de guide ; de voir l’extraordinaire Audric Bézard devenir l’ombre de Révillon, quand Paquette était le double de Ganio, aussi irréel et lunaire que lui.

De voir Sae Eun Park donner à sa danse une délicate poésie toute terrienne ; de voir l’elfique Léonore Baulac devenir un être de chair et de sang ; et de réaliser que l’ivresse de Bertaud est bien au sens propre….

On gagne en humanité, en émotion, ce qu’on perd en poésie ; mais les deux interprétations sont aussi belles l’une que l’autre et elles éclairent magnifiquement le propos du chorégraphe.

Révillon donne de la rondeur, du moelleux, de la profondeur, là où Ganio semblait être tout droit descendu de la lune, comme un être impalpable sans nerf et sans chair

Il communique au spectateur sa souffrance, quand Ganio le plongeait dans l’idée de la quête de l’inaccessible.

Bézard joue les constrastes avec une présence scénique extrêmement charismatique et le dernier pas de deux entre les deux artistes est poignant de douloureuse intensité

Nolwen Daniel est belle comme la lune mais volontaire, incarnée, réelle. Elle guide le jeune homme jusqu’à ce qu’il réalise qui il est véritablement.

Le Chant de La Terre - Neumeier - Révillon-Bézard-Daniel-Park

Voir ces deux distributions ne peut qu’enrichir cette magnifique œuvre de Neumeier, simple, belle, qui jamais n’alourdit la musique de Malher magnifiquement et subtilement interprétée par l’orchestre de l’opéra sous la baguette de Patrick Lange.

Fabien Révillon et Audric Bézard ont donné grâce à Neumeier une dimension à leur danse qu’ils n’avaient encore pu ni l’un ni l’autre autant developper. Voilà encore deux magnifiques artistes.

Sae Eun Park semblait tellement à l’aise elle aussi dans ce répertoire. Inoubliable silhouette bleuté, féérique comme la fée bleue de Pinocchio

Quand à Nolwen Daniel, elle a pour ainsi dire brillé comme un astre devenu femme…

Un magnifique quatuor où les femmes accompagnent, réconfortent, protègent les tourments des hommes, les guident, les éclairent, avec la douceur et la poésie des soirs d’été…

Et tandis que Révillon et Daniel s’élançaient sur scène dans cette dernière course en rond où la question se résout dans l’allégresse, je superposais à leur élan Ganio et Pujol, qui ne trouvent pas de réponse parce qu’ils réalisent que leur reflet s'évanouira avec la dernière vibration d'un son qu'on ne perçoit déjà plus....

Le Chant de La Terre - Neumeier - Révillon-Bézard-Daniel-Park

Les magnifiques photos sont d'Anne Ray

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2 mars 2015 1 02 /03 /mars /2015 13:18
Le Chant de La Terre - Neumeier - ONP- 2015



Il faut d'abord parler de la qualité d'interprétation musicale de l’œuvre; cela faisait longtemps que je n'avais pas entendu de la musique aussi bien jouée à Garnier pour accompagner de la danse; cordes, bois, cuivres, harpes, d'où j'étais, chaque timbre me parvenait dans sa clarté et la musique dans son ensemble. Les voix des deux solistes étaient plutôt belles, surtout celle du baryton dont j'ai aussi apprécié la musicalité ( chef d’orchestre : Patrick lange, Paul Armin Edelmann : baryton)

Mais il est injuste de dire que la musique accompagne la danse; l'une et l'autre se fondent ensemble ainsi que les mots des poèmes chantés.


L'œuvre commence dans le silence ; un homme dans la pénombre – double de Malher ou de Neumeier, ou du Poète, au fond cela n’a pas vraiment d’importance - est rejoint ensuite par une jeune femme ( Laetitia Pujol) qui est comme une pensée qu’il ne veut ou ne peut entendre. Au loin, résonne ensuite au piano le 6ème chant - c’est Malher lui même qui en a fait la réduction- comme l'écho d'un souvenir; Ganio et Pujol émettent des vibrations aussi douces que fragiles et déjà, l'on s'enfonce doucement dans une intériorité d'où parvient l'écho du monde.

Il y avait un tel silence dans la salle, quelque chose de tellement mystérieux qu'on entre à pas feutrés dans cette œuvre qui est comme une confidence. On dirait que Neumeier a voulu dire de la façon la plus concise possible ce qu’il ressentait en écoutant ce Chant de la Terre et nous le confier, sans fioriture. C'est presque un chant du cygne.

Et il y parvient.
Ganio, magnifique de sensibilité, de pureté et d'émotion contenue, évoque comme souvent chez Neumeier le "témoin », comme celui de La Petite Sirène par exemple : l’homme en chapeau voit, comprend, partage, mais ne peut pas changer le cours du destin.

ici, le témoin sent, goûte, pense, souffre, espère, dit adieux, et comprend que si l’homme est mortel, le monde lui, brillera toujours et la nature refleurira sans cesse, à chaque printemps.

Mais ce témoin silencieux devient aussi parfois l'acteur.

Autour de lui, une pléiade de danseurs merveilleux :
A commencer ( honneur aux garçons pour une fois) par Karl Paquette flamboyant en groupe, et double lunaire dans les pas de Deux avec Ganio ( d'une grande beauté et si bien accordés à la musique)

Vincent Chailley stupéfiant de vivacité, de précision, d' humour, d'espièglerie incarne l’homme Ivre, mais son ivresse est contagieuse. Il rappelle l'Amour de Sylvia; il en a un peu la même candeur, la même joie " enfantine" qui emporte avec lui dans son élan.


Quand à Florian Magnenet, Neumeier lui va comme un gant; il le comprend, il le magnifie avec une beauté des lignes, une grâce, une musicalité confondante. Sa silhouette prend à la fois une rondeur enfantine mais pour mieux mettre ensuite en lumière des lignes étirées et pures. Il est comme les bois de l'orchestre qui oscillent entre mélancolie et enthousiasme, tristesse et joie, nuit et lumière. Une pose, un poignet qui se casse, un pied qui devient flexe, et c’est tout le monde de la jeunesse, "près du pavillon de jade dont le pont se courbe comme le dos d’un tigre", qui surgit : un paysage chinois jaillit, avec ses jeunes filles mélancoliques, et ses jeunes gens insouciants qui passent sans s'attarder.



Laetitia Pujol pleine de compassion et Nolwenn Daniel à la beauté statuaire mais qui comme une madonne de pierre sait se montrer compatissante, entoure le poète-musicien-on-ne-sait-qui. Laura Hecquet passe, avec sa beauté froide et surnaturelle comme une lune d'automne, la délicate Léonore Baulac au visage elfique illumine la scène, la gracieuse Juliette Hilaire et la touchante Charlotte Ranson ajoute délicatesse et poésie...


De grandes plages méditatives contrastent avec des ensemble plus enjoués et quelque chose plane au dessus de tout cela, plus grand que la vie humaine.


Le Chant de la Terre de John Neumeier est une de ces œuvres dont la sensibilité sur le fil vous ramène à l'intérieur de vous mais les yeux fixés sur la scène et les oreilles grandes ouvertes, accueillant totalement ce moment poétique qui passe, l'air de rien.

On accueille la magie de l’instant, dépassé par un mystère qui nous échappe et que pourtant, la mélodie sinueuse de la flûte se taisant pour laisser chanter le baryton nous a en partie dévoilé… et on espère y retourner pour soulever un peu plus ce voile de mystère.

Distribution

Distribution du 28 février

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7 février 2015 6 07 /02 /février /2015 07:58

 

6_Rudolf_Noureev._1962_J.Garofalo_Paris_Match-8.jpg

 

Rudolf Noureev - 1962


Un prochain article présentera d'un oeil ironique mais pas surpris, la saisons de Millepied qui ne casse pas trois pattes à un millepatte, pardon,  canard, et qui me fera faire une fois encore des économies!  

 

 

En prélude, un plagiat de François Villon pour exprimer toute ma gratitude à une époque  que j'ai vécue avec poésie et ardeur

La nature a doté l'homme d'un bien précieux :  la mémoire, qui mieux que le couteux matériel video dont il se dote, garde les instants les plus précieux sans que les couleurs où les émotions ne pâlissent

 

 

 

En attendant, vous qui passez là, lisez le poème!

 

 

 

Sous titre : mais où sont les neiges d'antan????

 

 

 

Dictes moy ou,  n' en  quels pays,
Est  Isabelle Ciaravola,  

Nicolas Leriche, Claire Marie Osta
Ils furent tous partenaires,
Manuel Legris, Isabelle Guérin

Belarbi et Laurent Hilaire
Qui beaulté  ot trot plus qu'humaine.
Mais ou sont les neiges d' antan ?

 

Ou est parti Jean Guillame Bart,

Et l’émouvant Romoli ?

Mitéki Kudo, Gil Isoart,
Et la diaphane Céline Talon

Averty, Maurin, et tant d'autres

Sujet, étoiles, premiers danseurs

Tous m’ont ravi le cœur

Mais où sont les neiges d’antan ?

 

Et par-dessus ces grands danseurs

Plane l’inoubliable Rudi

Qui sut en quelques saisons seulement

Donner un lustre inégalé

A l’opéra  tout endormi

Et à tous sa slave ardeur

Et resta là même parti

Mais où sont les neiges d’antan ?

 

6353835-9582898.jpgIsabelle Ciaravola

 

clairemarie-osta-Portrait-3-362x532.jpgClaire Marie Ostatrio.jpgLeriche, Belarbi et Romoli

10hj9lh.jpgMitéki Kudo Gil Isoart

 

tumblr_m5vk2ixNOe1qg56t7o1_1280.jpgManuel Legris Isabelle Guérin

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12 décembre 2014 5 12 /12 /décembre /2014 23:00

Casse Noisette – 7 décembre 2014-12-13

 

Clara : Dorothée Gilbert

Drosselmeyer/ Le Prince : Mathieu Ganio

Fritz : Daniel Stokes

Luisa : Caroline Robert

 2014-15-casse-053

 

 

J’avais tout fait pour ne pas revoir cette distribution qui m’avait laissé un goût d’inachevé  et de profonde frustration il y a cinq ans.  En débit d’une technique éblouissante, j’avais trouvé que la Clara de Dorothée Gilbert manquait singulièrement d’enfance, et ne semblait pas très touchée par la grâce de son Prince .

C’est pourtant cette distribution que j’ai revue cette année et qui me restera longtemps en mémoire.  

 

Mathieu Ganio et Dorothée Gilbert ont peaufiné leurs interprétations ; Ganio donne à son Drosselmeyer beaucoup plus de relief qu'il y a cinq ans; dans le premier tableau, dès l’attaque des petits voyous dans la rue, on comprend que c’est un dur à cuir ; puis dans le salon, il se montre drôle, excentrique, généreux, compréhensif mais aussi inquiétant, avec son bandeau sur l’œil et sa démarche claudiquante  - il rappelle un peu le fol-œil d’Harry Potter en plus svelte !  Drosselmeyer devient alors le pivot central autour duquel tout se met en place dans cette grande maison bourgeoise où suinte l’ennui ; il apporte la magie et l’ambigüité, chères aux contes d’Hoffmann dans leur ensemble où le grimaçant côtoie le plaisant. Quand on voit sa tête apparaître dans l'horloge au moment où les rats arrivent dans la maison, on ne sait pas si tout cela ne va pas tourner au cauchemard.

 

casse-noisette-paris-duo.jpgDorothée Gilbert est à nouveau una ballerina absoluta , et, dans le premier acte,  sa Clara est un chef d’œuvre d’enfance, de grâce, de fragilité et de poésie. A tel point que mon fils m'a déclaré en sortant : «  J’ai bien vu, moi, que ce n’était pas la même, elles ne dansaient pas pareil, la première dansait comme une petite fille, la seconde, c'était une autre danseuse, plus âgée!".  Cela tient à si peu de choses : une façon de tenir la tête, de rentrer parfois un peu les épaules, de danser les pas avec une retenue toute juvénile, une ingénuité qui rend les pas plus ronds, comme l'enfance. Quel bonheur de voir cette danseuse talentueuse retrouver le souffle poétique de ses débuts, et son petit quelque chose en plus,  lorsqu’elle était encore première danseuse. Sa   technique  de danse complètement maîtrisée sert  l’interprétation du personnage  et n’est plus une fin en soi. Au fil des tableaux, elle montre d’autres nuances, jusqu’à son fabuleux solo  sur le célesta, à la fin du ballet,  où elle associe  maîtrise parfaite de l’équilibre sur pointe, du tempo, des temps suspendus et de la légèreté absolue.

A ses côtés, le charismatique Mathieu Ganio joue les constrates dans le premier tableau, et apporte ensuite son romantisme et son lyrisme à toute la scène dans le parc enneigé.  

Les pas de deux ont été des moments d’enchantement purs : Dorothée,  aussi légère  qu’un flocon de neige, s’envolait aux côtés de Mathieu.  Lui-même dans les manèges de grands jetés, semblait aussi impalpable qu’un prince entrevu en rêve ; les deux sont unis par un amour aussi pur que la neige qui commence à tomber sur le parc endormi où veillent les anges; c’est dire si la poésie de ce royaume de neige était absolue, soutenue par un orchestre scintillant comme le givre au clair de lune et un corps de ballet techniquement parfait et inspiré. Mathieu Ganio a une générosité en scène inégalée ; avec ses lignes longues, son style plein de noblesse et de grâce mêlées,  il danse sans jamais  dévoiler la complexité des pas, comme si tout cela coulait de source naturellement.   Clara/ Gilbert ciselait tous les petits pas avec une précision d’horloger suisse et une légèreté confondante ; elle a un buste souple, un visage expressif, des bras qui respirent sans cesse, des mains joliments placées et qui restent naturelles, elle danse  "large" mais sobre,  en un mot, elle incarne le mélange parfait de la puissance intériorisée et de la grâce absolue que toute ballerine recherche toute sa vie.

 

Dans le dernier tableau, le bal, Clara et le Prince ont offert un moment de pure magie : équilibre parfait, pied de terre qui ne tremble pas, jambes qui se lèvent en arabesque arrière sans effort  à la même vitesse et à la même hauteur, inclinaison du buste au même degré, et personnages totalement incarnés.  C'est la consécration de l’amour ; après l’argent du pays enneigé et de l’amour pur et naissant, voici l’or d’un amour plus vibrant  qui s’affirme dans toute sa majesté; l’enfant devient jeune fille. Il n'y a plus cette exaltation comme dans le parc, lorsque les amoureux se retrouvent et s'élancent l'un vers l'autre, mais une grâce, une consécration, une reconnaissance mutuelle.

  De tous  les répertoires des grands classiques, les pas de deux de Casse Noisette sont, me semble-t-il, les plus intenses et les plus émouvants.  Leur pureté, leur liberté de ton toute juvénile, leur rire, leur intensité sont soutenues par les plus belles pages orchestrales que Tchaïkovski ait composées, offrant au spectateur des moments suspendus, hors du temps.

Dans son dernier solo, Clara semblait être devenue un  être surnaturel, désincarné. Parée de sa 14956690748_0a8bd7e4fa_b.jpgtiare, et de son tutu à large plateau, elle semblait, en tenant les équilibres au délà du possible, en étirant le tempo vers une suspension du temps, offrir la vision d’un être d’un autre monde. Du grand art…

 

Je rendrai rapidement justice au reste de la distribution harmonieuse, avec l’ébouriffant Fritz de Daniel Stoke, la sémillante Caroline Robert plus à l’aise dans la danse espagnole que dans la danse du soldat turc ( ?) où elle manquait d’angles et de coupant ; Karl Paquette m’a manqué dans la danse arabe – Mickael Lafon -  et Miteki Kudo dans la Pastorale, mais Florimond Lorieux a une batterie fine et précise et de belles lignes ;les trois chinois se sont sortis des acrobaties compliquées avec brio ( Mitilan, Valastro, Couvez)

La Valse des fleurs était réglée comme du papier à musique et du second balcon, c’était impressionnant de voir tous ces cercles s’ouvrir et se fermer comme des corolles végétales.

Les enfants de l'école de danse ont été craquants  à souhait.

2014-15-casse-092-1.jpg

J’aime bien la fin de ce conte, lorsque que Clara sort de sa maison pour dire au revoir à Drosselmeyer qu’elle ne voit pas (un petit garçon lui a crié, « il est là ! » pour qu’elle le voit, c’était adorable !) et elle tend sa main pour sentir la neige et on la sent toute entière frémir d’un quelque chose d’indicible, pendant que lui se pelotonne dans son grand manteau et disparaît dans l’ombre.

 

Bref, merci à tous les artistes de m’avoir rendu intact mon cœur d’enfant pendant deux heures et plus spécialement à Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio que j’ai hâte de revoir sur scène.  

 

 

 

un petit bémol : les décors ont souffert, les anges sont tous noirs, le sapin, tout moche..... il ne grandit plus....

ah, quel dommage, le reste était parfait!

 

 

A lire aussi  sur ce blog

 

Casse noisette : réflexions 1

Casse noisette : réflexions 2

 

 

 

Casse noisette 2009

Casse noisette 2009- 2ème

 

 

Photo  : Lidvac

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2 juillet 2014 3 02 /07 /juillet /2014 08:02

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Notre Dame de Paris de Roland Petit…. C’est déjà un souvenir dans mon vieux livre sur la danse des années 70 : Claire Motte et Cyril Atanassof. Ce que j’ai pu rêver sur ces photos aux costumes étonnants !   Le ballet, créé sur mesure pour les deux artistes, était une commande pour l’opéra de Paris qui ouvrait déjà à l’époque ses portes à la modernité – et bien avant  Dame Lefèvre ! – via  Michel Descombey, Roland Petit, Maurice Béjart    

  

Découverte sur scène  beaucoup plus tard, cette oeuvre ne m'a pas plus. La  musique  lourde, sans subtilité aucune, les costumes  plutôt hideux,  la chorégraphie, terriblement répétitive et bavarde en donnent un récit  assez peu attrayant, sans relief, et même assez insupportable par moment. Certes, quelques passages scintillent, telles des pierres précieuses jetées au milieu de gravats, comme le 1er solo de Quasimodo, tout en sensibilité, ou celui d’Esmeralda, à la fois mutin, féminin et si libre !  Ce solo fait partie de mes préférés avec celui de l'Etrangère de Clavigo, tout répertoire confondu. J'ai du le regarder un milliard de fois dans la version DVD avec Isabelle Guérin. De même,  tout le début du second acte est poétique et intense.   Lorsque les solistes sont sur scène, sans un corps de ballet qui ne sert pas à grand-chose, si ce n’est à rendre le tout confus, brouillon et même naïf, on parvient à entrer dans l'histoire. On est même captivé. Il suffit de se rappeler  Hilaire, Legris, Leriche et Guérin pour sentir l'intensité qui palpite dans l'oeuvre pendant certains passages.   Lesquels, fichés dans nos mémoires comme  la voie lactée vue un soir d’été, nous donnent  l’espoir que peut être, le reste qui laisse un si désagréable souvenir,  saura à présent nous plaire, peut être même nous charmer.

Après tout, on le sait : chez Roland Petit,  le plus sublime côtoie le plus improbable !

 

J’avais pris des places pour voir Nicolas Leriche dont ce sont ces dernières apparitions sur scène. Je l’ai presque regretté. Non pas à cause de Nicolas, absolument parfait dans ce rôle déchirant où, au premier acte, il y a si peu à danser – mais alors, quelle danse !

Mais parce qu’il a fallu supporter le bavardage outrancier du corps de ballet, grimé comme le feraient les  pensionnaires d’ une maison de retraite qui ont mis la main sur de vieux costumes des années 70 et s’en accoutrent pour rire  un soir d’Halloween,  la partition qui a du mal à sortir d’un fatras de percussions qui aimeraient trouvé la liberté d’un Stravinsky ou d’un Bartók mais restent au niveau  d’un orchestre de bal, la scénographie si lourde que les techniciens eux-mêmes n’ont pris aucun gant pour pousser les grands panneaux dans lesquels les danseurs veillent à ne pas se tordre une cheville, la potence, ou le décor de Notre Dame.

 

J’imagine sans peine, qu’en 1965, cette œuvre a dû paraître innovante et susciter l’intérêt, mais aujourd’hui, elle fait figure de vieillerie démodée et pire, elle fait rire.

Comment ne pas pouffer devant certains tableaux, le comble du ridicule revenant à Phoebus en perruque blonde «  frisé à la hérisson » et à ses gardes dont les attributs masculins et les pectoraux moulés outrageusement par les  bandes collantes de leurs costumes les font ressembler à des super héros de parades gays. On n’est pas loin des Village people  et pour un peu,   on se lèverait pour entonner avec conviction par-dessus l’orchestre «  macho, macho man !! »

Mais là, sur scène, on ne rigole pas, même si, à la cour  des miracles,  les danseurs rappellent cette fois-ci   les champignons  et les courgettes de la forêt du téléfilm italien    « Fantagharo » .

 

Alors 1h30 d’un tel spectacle, c’est bien long !

Et pourtant, Eleonora Abbagnato, gitane mutine, fraîche, vive, pleine de compassion pour Quasimodo, de sensualité avec Phoebus ou de force face à Frollo et Nicolas Leriche, pauvre hère déchirant de soumission, de solitude,  et de sensibilité,  apportaient à eux seuls la grâce qui sauvent une œuvre.

 

 

A leur côté, le Frollo de Joshua Hoffalt s’est réveillé véritablement au second acte, trouvant enfin au fond de lui la noirceur et l’ambiguité de ce personnage ambivalent.

 

Le quatuor n’était donc pas particulièrement équilibré ce soir de première – et je ne dirai pas un mot sur Florent Magnenet que je pensais trouver superbe en Phoebus mais qui m’a malheureusement fait penser à  Assurancetourix tout du long, comment alors trouver de l’émotion au pas de trois dans ces conditions ?   

On ne peut que saluer l’engagement de tous les artistes dans une œuvre démodée qu’il faudrait retirer définitivement du répertoire.  Ils nous ont rappelé à quel point le ballet de l’opéra de Paris est toujours une grande compagnie ! 

 

 

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Sur la photo, Nicolas serre les lèvres, pour contenir l'émotion que suscita l' immense montée d'amour de son public

elle se souleva comme une vague immense dans tout l'opéra Bastille!

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